mardi 30 décembre 2008

Sainte Famille - B

Chers frères et sœurs,

Pour célébrer la fête de la Sainte Famille, l’Église nous donne à méditer l’Évangile de la Présentation de Jésus au Temple. Outre la signification symbolique de l’événement en lui-même, retenons, simplement, la conclusion du récit : « L’enfant ¬ c'est-à-dire Jésus ¬ grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse et la grâce de Dieu était sur lui. »

Et quelques versets plus loin, l’évangéliste saint Luc, pour clore les Évangiles de l’enfance sur le recouvrement de Jésus au Temple, aura, pour ainsi dire, le même refrain, affirmatif : « Jésus progressait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes. »

Jésus, au sein de sa famille, c’est-à-dire auprès de Marie et de Joseph, progressait en sagesse, en taille et en grâce. Nous avons là, lapidairement résumée il est vrai, une sommaire description du rôle fondamental auquel sont appelés les époux chrétiens, lorsque ceux-ci, ne refusant pas l’accueil d’une nouvelle vie, même imprévue, s’offrent généreusement à la responsabilité d’être parents, devant Dieu et devant la société des hommes.

Ainsi donc, si les Évangiles de l’enfance du Christ nous apprennent que Jésus, au sein de sa propre famille, à Nazareth, grandissait en taille, en sagesse et en grâce, c’est bien pour nous signifier, qu’au sein de nos propres familles, chez nous, la vie de nos enfants doit elle aussi pouvoir s’épanouir en 3D, c’est-à-dire en taille (en hauteur), en sagesse (en largeur) et en grâce (c’est-à-dire en profondeur).

En taille, tout d’abord. La famille est le premier lieu où l’enfant doit faire l’apprentissage qu’il n’est pas autonome et qu’il a donc besoin des autres, besoin de vivre en société ne serait-ce que pour grandir et se fortifier. Pour les époux, c’est aussi l’occasion de découvrir combien leur responsabilité d’être parents est chaque jour appelée au don de soi. Combien de papas et de mamans, en effet, ne sacrifient-ils pas leur temps, leurs loisirs, pour procurer à leurs familles le pain quotidien dont elles ont besoin pour grandir en taille…

Mais l’enfant a aussi besoin de grandir en sagesse. Le devoir d’être parent ne se limite donc pas aux seules nécessités de la vie biologique. Encore faut-il que l’enfant soit éduqué aux grandes valeurs qui sont au fondement de toute civilisation proprement humaine. En ce sens, la famille, telle qu’elle est voulue dans le plan de Dieu, est comme la cellule de base de la société, car elle est, par nature, un lieu fondamental au sein duquel peut véritablement s’opérer la transmission d’un savoir, d’un art de vivre en société, d’une sagesse de vie…

Enfin, la famille, comme ecclesiola, c’est-à-dire comme une petite Église miniature au sein de laquelle la foi peut être concrètement pratiquée, enseignée et célébrée, offre à tous et à chacun, et à commencer par les enfants, un cadre privilégié et incontournable pour grandir dans la grâce de Dieu. On ne le dira jamais assez : « Les parents sont les premiers éducateurs de la foi de leurs enfants. » Peut-être, alors, ce dimanche, en lien avec les trois grands repères que je viens d’évoquer, peut-il être pour chacune de nos familles, l’occasion d’un bilan de santé, confiant mais sincère.

L’enfant Jésus, nous disait saint Luc dans l’Évangile d’aujourd’hui, grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

Qu’à l’exemple de la Sainte Famille, nos propres familles, Seigneur, puissent devenir des foyers de vie et d’amour, capables de faire croître nos enfants en taille, en sagesse et en grâce. En associant au don de soi la responsabilité d’être parents, offre, Seigneur, à toutes les mamans et à tous les papas de la terre, la grâce et la joie de fonder une sainte et belle famille.

AMEN.

jeudi 25 décembre 2008

IV Dimanche in Adventu - B

Chers frères et sœurs,

Nous voilà déjà arrivés au 4e dimanche de l’Avent. Dans trois jours, nous célèbrerons la nuit de Noël, cette nuit bénie entre toutes les nuits, au cours de laquelle le Rédempteur de l’homme s’est donné à nous pour toujours, sous les traits adorables d’un enfant.

Aussi, quoi de plus naturel au fait que la liturgie de ce dimanche nous renvoie à l’annonce de cette naissance, dont nous devons, à saint Luc, le récit inspiré. Mais au-delà du fait historique de l’Événement, attachons-nous, toujours dans le cadre de notre préparation spirituelle à Noël, attachons-nous à contempler la Vierge Marie.

Car, avec Jean-Baptiste, Marie est elle aussi une figure incontournable du Temps de l’Avent.

Marie est une figure incontournable du Temps de l’Avent car, ayant trouvé grâce auprès de Dieu, elle est devenue elle-même :

« le chemin » par lequel le Verbe s’est fait chair, c’est-à-dire :
« le chemin » par lequel Celui qui est la Parole de Dieu est sorti de l’éternité silencieuse du Père afin de conduire toutes les nations à l’obéissance de la foi, comme saint Paul nous le disait dans la deuxième lecture.

Dans le mystère de sa maternité divine, malgré l’obstacle incontournable que pouvait représenter sa virginité, Marie a donc été, personnellement, « le chemin » par lequel le Sauveur de l’humanité est venu la rejoindre et demeurer en elle.

Aussi, pour nous préparer à recevoir le Christ au cœur de notre propre existence, la leçon que nous pouvons tirer du récit de l’Annonciation est claire : les obstacles à la venue du Seigneur ne sont pas ceux auxquels nous pouvons spontanément penser…

Et l’Évangile d’aujourd’hui, précisément, nous apprend que la virginité de Marie, tout comme l’âge avancé de sa cousine Élizabeth qui ne l’a pas empêché d’enfanter, n’ont jamais représenté un quelconque obstacle à l’accomplissement de la volonté de Dieu. Car, comme l’ange Gabriel le déclare lui-même à Marie : « Rien n’est impossible à Dieu. »


Rien n’est impossible à Dieu
… Voilà une parole à croire, chers frères et sœurs, une parole à croire que quel que puisse être notre éloignement de Dieu, nous pouvons toujours, en disant « OUI » à sa volonté, à son amour, nous pouvons toujours le laisser nous rejoindre et demeurer en nous, à l’exemple de Marie.

Dieu, en effet, est celui qui se tient au plus intime de nous-mêmes. Il est celui qui frappe à la porte de notre cœur et attend… Il attend le petit ou le grand « OUI » de notre foi, le petit ou le grand « OUI » qui marquera à tout jamais notre existence. Il attend, mais il ne force personne à l’aimer et à l’accueillir.


Rien n’est impossible à Dieu
… Voilà la Parole de Dieu que l’Évangile, en ce quatrième dimanche de l’Avent, nous invite à recevoir dans la foi.

J’ai beau être ceci ou cela, comme ceci ou comme cela, c’est assurément pour nous, les hommes, et pour notre salut, que le Fils de Dieu, en Jésus-Christ, a véritablement pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme.

La conception extraordinaire de cette naissance, telle que nous l’a rapportée l’évangéliste saint Luc, ne constitue pas seulement la preuve que Dieu a voulu prendre une attitude paternelle à l’égard de la Maison de David, comme nous l’avons entendu du prophète Nathan dans la première lecture. Bien plus encore, elle aussi un signe messianique qui nous invite à croire en la divinité même de l’Enfant, au fait irréductible, aux yeux de la foi, qu’en Jésus de Nazareth, Dieu s’est fait l’un de nous, Dieu s’est rendu accessible à nous.


Si nous sommes prêts à le croire, nous sommes donc prêts à le recevoir…


AMEN.

mardi 16 décembre 2008

III Dimanche in Adventu - B

Chers frères et sœurs,

Dimanche dernier, l’Église nous proposait de nous préparer à la venue du Seigneur en nous donnant l’occasion de méditer en quoi la prédication et le ministère de Jean-Baptiste, pour saint Marc, s’inscrivaient naturellement comme le Commencement – le premier acte – de l’Évangile de Jésus-Christ, le Fils de Dieu.


Aujourd’hui, en ce troisième dimanche de l’Avent, c’est encore la figure de Jean-Baptiste que l’Église nous invite à contempler, à travers, cette fois-ci, le témoignage de l’évangéliste saint Jean qui, avant d’être Apôtre de Jésus, fut lui-même l’un des nombreux disciples de Jean-Baptiste.


Mais qui, au juste, était Jean-Baptiste ? Pour les chefs religieux de Jérusalem qui, en matière de religion et de dogmes, n’admettaient pas d’autre autorité que la leur, la question de l’identité spirituelle du Baptiste semblait constituer un véritable problème qu’il fallait clarifier au plus vite afin de savoir quelle attitude concrète il fallait ensuite adopter envers lui. Aussi firent-ils demander à Jean de décliner son identité en fonction de grands personnages dont la venue, prophétisée dans les Écritures, devait marquer à tout jamais l’avènement du Règne de Dieu, autrement dit la victoire du peuple juif sur tous ses ennemis.


Mais Jean leur répond qu’il n’est pas le Messie, c’est-à-dire qu’il n’est pas l’un de ces grands personnages de la foi juive.


• Ni en la personne du prophète Élie dont il avait pourtant adopté l’austérité et la tenue vestimentaire.


• Ni en la personne de ce mystérieux Prophète, chargé de parler au Peuple au nom de Dieu et dont le grand Moïse avait jadis annoncé la venue.


En fait, leur révèle Jean-Baptiste, en se référant lui aussi aux Écritures, ce n’est que dans la réalité de sa mission que son identité spirituelle ne peut que pleinement se comprendre, tant l’une et l’autre se confondent dans le témoignage de sa vie.


Par toute sa vie, en effet, Jean-Baptiste n’a cessé d’amener le peuple à croire en la venue du Messie, à croire en la venue du Christ. Non pas en une venue théorique, qui serait encore à venir, qui serait encore à espérer, à désirer, mais en une venue déjà mystérieusement accomplie et dont il fallait concrètement se réjouir, comme lui-même s’en était très tôt réjouit en tressaillant d’allégresse dans le sein de sa mère, lors de la Visite que lui fit la Vierge Marie, alors tout juste enceinte de Jésus. C’est ce que nous rappelle, précisément, le « Magnificat », ce cantique d’action de grâces, que chanta la Vierge Marie à sa cousine Élizabeth et que nous avons nous aussi, entendu tout à l’heure.


Si les foules, en masse, accouraient donc ainsi auprès de Jean, exprimer leur désir de conversion comme en réponse au signe de consolation céleste que son baptême constituait à leurs yeux, c’est parce que ces foules voyaient en lui, malgré l’austérité de sa vie et de sa morale, elles voyaient en lui un joyeux témoin de la Venue du Sauveur. D’un sauveur longtemps désiré, prophétisé et aujourd’hui, mystérieusement présent au milieu d’elles. Quelle impression, alors, la prédication du Baptiste devait-elle produire dans les cœurs de ces foules !


Et nous ?


Quelle impression la prédication du Baptiste laisse-t-elle en nos cœurs, en ces quelques jours qui nous séparent de Noël, en ces quelques jours où nous sommes appelés, comme tant d’autres, non pas d’abord à nous restaurer de foie gras et de vins capiteux, mais à reconnaître, avant toutes choses, en vertu de notre foi en l’Évangile, que Dieu Notre-Sauveur, en la personne de Jésus de Nazareth, s’est fait « Emmanuel » : Dieu avec nous.


Si l’Église a fait de saint Jean-Baptiste une figure incontournable du temps de l’Avent, vous l’aurez compris, chers frères et sœurs, c’est pour nous inviter, tous et chacun, comme saint Paul nous le disait dans la deuxième lecture, c’est pour nous inviter à être toujours dans la joie et l’action de grâces.


Dans la joie et l’action de grâces de savoir Jésus toujours vivant au milieu de nous, à nos côtés. Sachant qu’à travers ce vibrant témoignage de notre foi, nous contribuons certainement à ce que d’autres personnes soient amenées à croire, à croire qu’au milieu d’elles, se tient Celui qu’elles ne connaissent pas encore.


Alors Jésus, que ce Noël 2008 vienne illuminer nos vies de la joie qui rayonnait dans les cœurs de Marie, ta Mère et de saint Jean-Baptiste, qui fut, pour ainsi dire, le premier témoin de ta venue, le premier catéchiste de l’histoire, là-bas, au bord du Jourdain.


AMEN.

lundi 8 décembre 2008

II Dimanche in Adventu - B

Chers frères et sœurs,

La liturgie de la Parole, aujourd’hui, en ce deuxième dimanche de l’Avent, nous invite à nous rendre spirituellement présents auprès de Jean-Baptiste. À nous rendre spirituellement présents à son message, par la puissance de notre foi, car l’écoute et l’accueil de ses paroles, nous révèle saint Marc, constituent, pour ainsi dire, le Commencement, le premier acte, de ce que saint Marc appelle en grec : l’Évangile de Jésus-Christ, le Fils de Dieu…


Le mot « évangile », et notre lectionnaire liturgique a opté pour ce choix, peut littéralement se traduire, c’est vrai, par l’expression « Bonne Nouvelle »… Mais cette traduction, aussi littérale ou légitime soit-elle, ne rend cependant pas totalement compte de tout ce que le mot « évangile » pouvait signifier aux oreilles et au cœur des auditeurs de saint Marc. Aussi me semble-t-il important de bien clarifier ce terme « d’évangile » pour mieux comprendre ensuite, non seulement :


« L’audit populaire » que Jean-Baptiste avait dans le royaume de Judée, puisque l’évangéliste nous précise bien que tous les habitants de Jérusalem venaient à lui. Tous les habitants de Jérusalem : c’est-à-dire pas seulement les juifs, mais aussi les marchands et les soldats étrangers. Ce que confirme, par ailleurs, le récit de l’évangéliste saint Luc.

Mais aussi, pour mieux comprendre combien les paroles de Jean le Baptiseur, peuvent véritablement s’inscrire, pour nous, aujourd’hui, dans une authentique préparation de l’Avent, c’est-à-dire dans une fructueuse préparation de nos cœurs à la venue du Seigneur.


Le mot « évangile » a été emprunté au langage des empereurs romains qui, se considérant comme des dieux, utilisaient généralement ce terme pour désigner un message qu’ils jugeaient indispensable et capital de transmettre au monde pour le bien être et le salut de l’empire. (Cf. Jésus de Nazareth, de Benoît XVI, chap. III.)


Si donc l’évangéliste saint Marc a repris ce mot, c’était d’abord pour signifier au monde que le salut que les empereurs romains prétendaient à tort instaurer, n’étant que des faux dieux totalement impuissants, devenait en fait réalité, et pas seulement discours, à travers la prédication de Jésus de Nazareth, lui qui est véritablement Fils de Dieu.


En tous cas, si la prédication de Jean constitue véritablement le Commencement de l’Évangile du Christ, sa Genèse, la prédication du Baptiste constitue, par conséquent, la première étape, la première réalisation, d’un événement « en passe de s’accomplir » et dont la signification mystérieuse nous sera pleinement manifestée en Jésus le Messie, par qui nous sont venues la grâce et la vérité…


Mais en quoi consiste, précisément, cette première étape vers la grâce du salut ?


Saint Marc nous le donne à comprendre, très simplement, en nous révélant le sens du baptême que Jean conférait aux foules. Et il nous le révèle à travers sa propre lecture croyante de l’Écriture, en citant, notamment, le même passage du prophète Isaïe que nous avons entendu en première lecture et dont les premiers mots étaient : « Consolez, consolez mon Peuple. […] Préparez le chemin du Seigneur. »


De la part du Seigneur, le baptême de Jean était donc, pour tous, un signe de consolation, un signe de miséricorde, destiné à provoquer les hommes à se convertir, c’est-à-dire à ouvrir leur cœur au Salut de Dieu en passe de se manifester à travers la personne et l’œuvre de Jésus de Nazareth.


Le baptême de Jean était certes un appel à la conversion mais en tant qu’il était d’abord, réellement, en lui-même, un signe de consolation, un signe de miséricorde, c’est-à-dire une initiative de Dieu qui vient à la rencontre de l’homme pécheur.


Autrement dit, à travers le récit qui vient de nous être fait, la prédication de Jean le Baptiste peut véritablement constituer, pour chacun d’entre nous, le Commencement d’une Bonne Nouvelle. Pour nous aussi, aujourd’hui, la prédication du Baptiste peut véritablement devenir un signe de miséricorde destiné à toucher nos cœurs et à nous tourner concrètement vers Dieu, avec droiture et vérité, particulièrement dans l’aveu individuel de nos fautes.


Tel est le message que nous délivre l’Église en ce deuxième dimanche de l’Avent.


AMEN

lundi 24 novembre 2008

Le Christ, Roi de l'Univers

Chers frères et sœurs,

Si, pour clore l’année liturgique, nous célébrons aujourd’hui la fête du Christ Roi, ce n’est pas pour lier le christianisme à un régime politique particulier, mais bien pour confesser et célébrer la Seigneurie universelle de Dieu, autrement dit sa souveraineté divine sur toutes choses.

Cette souveraineté du Christ, nous disait saint Paul dans la deuxième lecture, s’est manifestée dans la victoire inouïe de sa résurrection. En effet, premier homme relevé du tombeau, le Christ a ainsi manifesté, aux yeux des grands de ce monde, sa souveraine domination sur les puissances de la mort et du péché. Mais sa résurrection étant aussi un signe de la nôtre à venir, son triomphe et sa gloire pronostiquent, également, qu’un jour, nous aussi, nous serons couronnés de gloire et d’honneurs.

Célébrer la royauté du Christ, c’est donc, d’une certaine manière, célébrer la résurrection du Christ et l’exaltation de l’humanité à ses côtés, dans le Royaume des Cieux.

Car le Christ, et c’est tout le sens de la première lecture du prophète Ézéchiel, n’est pas seulement « le premier » à être « passé » victorieux de ce monde au Royaume, il est aussi « un passeur », autrement dit CELUI qui a reçu du Père la mission de faire passer tous les autres hommes à sa suite, dans le Royaume des Cieux, où Dieu sera tout en tous.

Célébrer la royauté du Christ, c’est donc nous inviter à reconnaître que nous ne pouvons mettre notre confiance qu’en lui seul, car Dieu seul, comme nous l’avons chanté dans le psaume, Dieu seul est notre berger. Lui seul, par conséquent, étant digne de confiance, mérite d’être servi et honoré…

Servi et honoré, même incognito, dans la personne du frère, comme l’Évangile que nous venons d’entendre nous y invite sérieusement. Mais attention. Ne nous méprenons pas sur ses paroles et ne réservons pas l’épithète de frère uniquement aux étrangers, à ceux qui souffrent ou à ceux qui sont dans le besoin. Si Jésus énumère ces catégories de personnes, ce n’est pas pour nous dire qu’il faut absolument aller dans les bidonvilles du Caire ou de Calcutta au détriment du reste de la population… Non ! En fait, derrière ces catégories de personnes que Jésus cite en exemple, il faut comprendre, il faut « embrasser » tous ceux vers qui on n’a spontanément pas envie d’aller. Comme par exemple l’étranger, parce qu’il n’a pas la même culture que nous. Mais dans la catégorie de l’étranger, on pourrait également classer tous ceux qui sont étrangers à nos manières d’être en société, tous ceux qui sont étrangers à nos manières de penser la politique du pays, tous ceux qui sont étrangers à nos habitudes pastorales… Bref, tous ceux qui ne parlent pas le même langage que nous et ne méritent donc pas qu’on s’intéresse à eux.

Or, que nous enseigne la Parole de Dieu aujourd’hui ? Elle nous dit que tout homme est une icône du Christ… Jésus l’affirme lui-même : En la personne du frère, il est incognito mais réellement rencontré : « À chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, dit-il, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Aussi, dans la mesure où notre sollicitude envers celui que nous n’avons pas nécessairement envie de rencontrer est réellement effective, et pas seulement affective, nous servons et honorons fidèlement le Christ ; le Christ, nous dit le Credo, qui reviendra, on ne sait quand, juger les vivants et les morts.

C’est donc sur le service de la charité que nous aurons effectué tout au long de notre vie que nous serons équitablement jugés, vivants ou morts. Telle est, pour ainsi dire, la réalité objective que nous enseigne le discours parabolique de Jésus sur le Jugement dernier. C’est parfois un sujet difficile à entendre, encore plus à prêcher, croyez-moi. Aussi, bien souvent, nous avons spontanément tendance à estomper la réalité du Jugement dernier en faisant valoir un droit universel à la miséricorde divine. L’intention est certes louable, tant il est vrai que nous avons à témoigner que Dieu est bon et miséricordieux. Mais justement : la miséricorde de Dieu est un don qui réhabilite l’homme qui a le regret de ses fautes et non un passe-droit pour l’avenir qui le dispenserait alors de faire tout le bien possible ici-bas.

Que cette perspective du Jugement dernier, néanmoins, ne vienne pas troubler la confiance et l’espérance que nous plaçons en celui qui nous aime et qui est le Bon Berger de l’humanité. Mais au seuil de cette nouvelle année liturgique, accueillons le discours de Jésus sur le Jugement dernier, comme « un discours programme » destiné à nous montrer l’exemple à suivre pour avoir part à sa Gloire. Ceux qui règneront à ses côtés seront les mêmes qui l’auront servi et honoré dans la personne du frère. Et ce frère, inutile de le chercher bien loin, il peut être à côté de moi aujourd’hui…

AMEN

jeudi 20 novembre 2008

33e dimanche per annum - A

Chers frères et sœurs,

Une fois de plus, alors que l’année liturgique touche bientôt à sa fin, les textes de ce dimanche nous relatent comment nous devons nous comporter dans l’attente de la venue du Christ, dans l’attente de son retour Glorieux, depuis le jour de son Ascension.


Ainsi, à travers ce portrait élogieux de la femme idéale que nous avons entendu du Livre de la Sagesse, la première lecture nous donne à comprendre que nous avons, nous aussi, à entretenir la confiance du Seigneur en faisant valoir nos talents, nos compétences, quel que soit le domaine, d’ailleurs, domestique, civique ou pastoral, dans lequel nous pouvons exceller.


Et la parabole des talents que nous venons d’entendre, illustre, justement, combien notre participation à la Joie du Seigneur sera elle-même déterminée par la manière dont nous aurons au mieux exercé nos responsabilités en fonction de nos propres capacités.


Alors, regardons cette parabole de plus près…


Trois hommes ont respectivement reçu de leur maître : cinq, deux et un talent. Au temps de Jésus, un talent était un lingot d’argent équivalent à 6000 drachmes, soit le salaire d’un ouvrier durant vingt ans ! L’argent confié à chacun était donc une somme tout de même astronomique ! Ne soyons donc pas choqués si tous ne reçoivent pas la même somme. De la part du maître, ce n’est pas un manque de confiance envers l’un ou l’autre serviteur, mais seulement une sage disposition en fonction des compétences de chacun. Car cet argent, et le texte prend soin de le préciser : cet argent, chacun reçoit la mission de le faire fructifier en fonction de ses propres capacités. Nous avons là une première leçon : Dieu répartit ses dons avec sagesse pour n’obliger personne à l’impossible.


Notons, par ailleurs, que chacun reçoit la mission, durant l’absence du Maître, de faire valoir l’argent confié, mais pas nécessairement en espèces sonnantes et trébuchantes. Et si le Maître, à son retour, reproche au troisième serviteur de n’avoir pas au moins placé l’argent en banque, ce n’est pas pour encourager la spéculation boursière en tant que telle, mais bien pour souligner la paresse et la mauvaise foi du serviteur. Ce petit détail pourra peut-être nous paraître anodin mais il est important. Et c’est là qu’est la deuxième leçon de la parabole : De la même manière, en effet, que le Maître ne demande pas à ses serviteurs de faire fructifier son argent pour de l’argent, Dieu non plus, ne nous demande pas de faire fructifier pour eux-mêmes les biens qu’il nous prête, à commencer par ceux de la création. Si nous avons à faire valoir les biens que Dieu nous confie, c’est bien pour le bénéfice de toute la communauté humaine.


Et il en va de même, dans l’ordre de la grâce, pour le premier don que Dieu nous a fait : celui de la foi. C’est là la troisième leçon de la parabole, son sens spirituel le plus profond. Chacun de nous, en effet, en attendant le Retour du Seigneur, est en quelque sorte « obligé », par l’amour qui le presse et les promesses de son baptême, à faire valoir sa foi. À faire valoir sa foi en la célébrant (leitourgia), en l’enseignant (kerigma), en la vivant dans le service de la charité (diakonia). Cf. Dieu est Amour § 25.


Mais si, à l’exemple du troisième serviteur, nous pratiquons une pastorale de l’enfouissement, au mauvais sens du terme, autrement dit une pastorale où toute référence explicite à Dieu et aux exigences de l’Évangile est passée sous silence par crainte de rendre la foi chrétienne inacceptable pour d’autres, alors, nous nous méprenons sur Dieu et sur la confiance qu’il nous porte.


Et c’est bien cela, en dernier ressort, que le Maître de la parabole reproche au troisième serviteur : s’être fait une fausse image de lui, autrement dit une idole. N’avoir faussement perçu en lui qu’un Maître dur et tyrannique alors qu’à travers la somme énorme qui lui avait été confiée, il aurait dû percevoir un Dieu qui n’hésite pas à mettre sa confiance en l’homme. Aussi, ce serviteur, n’ayant rien fait pour faire valoir son talent, perd non seulement celui-ci en le rendant au Maître, mais plus encore, par sa propre faute, il se voit également enlever le capital de confiance que le Maître avait initialement placé en lui. Triste et douloureuse situation évoquée dans la finale de l’Évangile, destinée surtout à nous garder sobres et vigilants dans notre foi, comme saint Paul nous y exhortait dans la deuxième lecture.


Sobres, c’est-à-dire conscients de notre appartenance au Christ. Et vigilants, c’est-à-dire attentifs, dans le monde qui est le nôtre, à faire valoir notre foi de baptisé.


Bienheureux, alors, le serviteur, que son Maître, à son retour, trouvera dans de telles dispositions, car il participera avec abondance à la joie du Seigneur.


AMEN.

Dédicace de Saint-Jean-du-Latran

Qu’est-ce que la dédicace d’une église ? C’est son inauguration solennelle par une cérémonie qui rappelle le baptême : on asperge l’autel et les murs de l’église avec de l’eau, puis on leur fait des onctions avec le saint chrême béni par l’évêque. Par les prières qui accompagnent ces gestes, on demande à Dieu, qu’en ce lieu à présent rendu sacré, soit offert le vrai culte qui lui plaît : l’Adoration, en esprit et en vérité.


Cette cérémonie, je le disais à l’instant, rappelle le baptême, puisque, par le baptême, nous sommes devenus les pierres vivantes de l’Église du Christ. C’est ce que saint Paul, dans la deuxième lecture, rappelait aux Corinthiens : « Vous êtes, leur disait-il, la maison que Dieu construit. […] Le Temple de Dieu. » Aux yeux des chrétiens, tout homme a donc une dignité sacrée, que nul n’a le droit de profaner.


Fêter la dédicace de la Basilique Saint Jean-du-Latran, qui est la cathédrale du pape, c’est aussi, en quelque sorte, fêter le projet de Dieu pour toute l’humanité, à savoir : faire de celle-ci le Temple vivant de sa Gloire, sa Demeure vivante parmi les hommes. Dieu veut résider en nous, dans l’espace sacré et secret de notre cœur. Il veut y résider non seulement pour y trouver ses délices mais plus encore, pour nous enrichir de sa Présence et de son amour miséricordieux.


***


En lien avec cette fête qui célèbre le 1688e anniversaire de la dédicace de Saint-Jean-du-Latran (érigée en 320 sous Constantin), l’Évangile d’aujourd’hui nous rapporte un épisode bien connu de la vie du Christ : celui au cours duquel, se rendant au Temple de Jérusalem pour fêter la Pâques, la grande fête des Juifs, Jésus s’emporta contre des marchands qui, sur le seuil du Temple, vendaient des bœufs, des brebis ou des colombes, destinés à être offerts en sacrifice. Et comme nul n’avait le droit de pénétrer dans l’enceinte du Temple avec de la monnaie étrangère, symbole d’idolâtrie, il y avait même, parmi ces marchands, des changeurs de monnaie, des sortes de banquiers.


Leur rôle consistait donc à échanger la monnaie des étrangers contre de la monnaie juive. Un peu comme on échangerait des $ contre des €. Mais au passage, ces changeurs, ces banquiers, n’hésitaient pas à abuser de la confiance des pèlerins en se gardant pour eux, en toute illégalité, un confortable pourboire… C’est pourquoi Jésus leur demande assez énergiquement d’arrêter leurs magouilles : « Ne faîtes pas de la maison de mon Père, leur dit-il, une maison de trafic. »

Bien souvent, on pense que Jésus à fait ce geste uniquement en réaction contre la malhonnêteté des marchands et des changeurs ou bien contre leur prolifération abusive qui donnait au Temple l’allure des Galeries Lafayette à Paris.


Mais c’est mal connaître Jésus, lui qui est doux et humble de cœur, c’est mal le connaître que de le croire capable de se mettre si fortement en colère pour de telles raisons qui, sommes toutes, restaient limitées à l’entrée du Temple et plus ou moins acceptées par les pèlerins qui, du reste, n’étaient pas dupes et bien contents de pouvoir faire leurs emplettes au dernier moment.

Et les juifs, témoins de l’événement qui s’était déroulé sous leurs yeux, ont très bien compris que Jésus avait chassé les marchands du Temple pour des motivations plus profondes, plus mystérieuses qu’il n’y paraissait au premier abord, puisqu’ils lui demandent aussitôt, non pas d’expliquer son geste, mais de le justifier.


Dans l’évangile de Marc, Jésus justifie son geste en se référant à l’autorité de la Parole de Dieu, où il est écrit, dans le prophète Isaïe : « Ma Maison sera appelée Maison de prière pour toutes les nations. » Sous entendu : « En encombrant le parvis du Temple, les marchands ne permettent plus aux hommes des autres nations de prier mon Père, comme l’ordonne pourtant la Parole du Seigneur par la voix du prophète Isaïe. »


Jésus rappelle ainsi quelle est la véritable destination du Temple : être, pour tous, un lieu d’adoration et de prière envers le Dieu unique : le Dieu d’Israël. Un lieu d’adoration et de prière pour tous, c’est-à-dire un lieu de prière qui ne soit pas seulement un lieu sacré pour les Juifs mais aussi un lieu sacré pour tous les autres peuples qui, eux, n’étant pas Juifs, n’avaient que le droit de prier sur le seuil du Temple, qu’on appelait alors le parvis des Païens. Or, en s’installant et en encombrant l’entrée du Temple, ce fameux parvis des Païens, les marchands, par conséquent, empêchaient les personnes non juives de participer à la fête de la Pâque. Ils les empêchaient ainsi d’entrer plus avant dans l’intimité de la prière à laquelle Dieu appelle tous les hommes, y compris ceux qui ne sont qu’au seuil de la foi. D’où la réaction plutôt musclée de Jésus. Empocher illégalement quelques pourboires passe encore, mais empêcher les non juifs de trouver Dieu dans la prière, çà, pour Jésus, c’était inacceptable. Inacceptable au point de se mettre en colère.


Toutefois, dans la version de Jean, celle que nous avons entendue aujourd’hui, Jésus se réfère non pas à l’autorité d’un prophète de la Bible, aussi illustre soit-il, mais il se réfère à sa propre parole, dont l’autorité, cependant, ne sera pleinement reconnue que plus tard, dans l’événement de sa résurrection d’entre les morts qui aura alors valeur de signe pour tous les hommes qui cherchent à prier Dieu d’un cœur sincère.


Car le Temple détruit et relevé au bout de trois jours, le Temple auquel Jésus fait mystérieusement allusion devant ses interlocuteurs, c’est, en fait, l’évangéliste saint Jean nous le révèle dès les premières pages de son Évangile, c’est le propre corps de Jésus, son corps de chair, son corps né de la Vierge Marie, dont la résurrection d’entre les morts révèle à tous, qu’en Jésus, habite corporellement la plénitude de la Divinité. C’est donc avec Jésus, en lui et par lui que toute l’humanité peut désormais trouver, prier et adorer le Seigneur.


La leçon que nous pouvons retenir de cet évangile, de cet épisode de la vie du Christ où Jésus chasse les marchands du Temple, consiste donc, tout simplement, à nous rappeler que Dieu, en Jésus, appelle tous les hommes à le rencontrer personnellement dans la prière et l’adoration.

Tous les hommes, c’est-à-dire y compris tous ceux qui ne sont qu’au seuil de la foi, au seuil de l’Église. Soyons donc, personnellement, nous qui sommes peut-être plus avancés qu’eux sur le chemin de la foi, soyons donc attentifs à leur laisser de la place. Mieux : à leur faire de la place.


AMEN.