jeudi 20 novembre 2008

Dédicace de Saint-Jean-du-Latran

Qu’est-ce que la dédicace d’une église ? C’est son inauguration solennelle par une cérémonie qui rappelle le baptême : on asperge l’autel et les murs de l’église avec de l’eau, puis on leur fait des onctions avec le saint chrême béni par l’évêque. Par les prières qui accompagnent ces gestes, on demande à Dieu, qu’en ce lieu à présent rendu sacré, soit offert le vrai culte qui lui plaît : l’Adoration, en esprit et en vérité.


Cette cérémonie, je le disais à l’instant, rappelle le baptême, puisque, par le baptême, nous sommes devenus les pierres vivantes de l’Église du Christ. C’est ce que saint Paul, dans la deuxième lecture, rappelait aux Corinthiens : « Vous êtes, leur disait-il, la maison que Dieu construit. […] Le Temple de Dieu. » Aux yeux des chrétiens, tout homme a donc une dignité sacrée, que nul n’a le droit de profaner.


Fêter la dédicace de la Basilique Saint Jean-du-Latran, qui est la cathédrale du pape, c’est aussi, en quelque sorte, fêter le projet de Dieu pour toute l’humanité, à savoir : faire de celle-ci le Temple vivant de sa Gloire, sa Demeure vivante parmi les hommes. Dieu veut résider en nous, dans l’espace sacré et secret de notre cœur. Il veut y résider non seulement pour y trouver ses délices mais plus encore, pour nous enrichir de sa Présence et de son amour miséricordieux.


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En lien avec cette fête qui célèbre le 1688e anniversaire de la dédicace de Saint-Jean-du-Latran (érigée en 320 sous Constantin), l’Évangile d’aujourd’hui nous rapporte un épisode bien connu de la vie du Christ : celui au cours duquel, se rendant au Temple de Jérusalem pour fêter la Pâques, la grande fête des Juifs, Jésus s’emporta contre des marchands qui, sur le seuil du Temple, vendaient des bœufs, des brebis ou des colombes, destinés à être offerts en sacrifice. Et comme nul n’avait le droit de pénétrer dans l’enceinte du Temple avec de la monnaie étrangère, symbole d’idolâtrie, il y avait même, parmi ces marchands, des changeurs de monnaie, des sortes de banquiers.


Leur rôle consistait donc à échanger la monnaie des étrangers contre de la monnaie juive. Un peu comme on échangerait des $ contre des €. Mais au passage, ces changeurs, ces banquiers, n’hésitaient pas à abuser de la confiance des pèlerins en se gardant pour eux, en toute illégalité, un confortable pourboire… C’est pourquoi Jésus leur demande assez énergiquement d’arrêter leurs magouilles : « Ne faîtes pas de la maison de mon Père, leur dit-il, une maison de trafic. »

Bien souvent, on pense que Jésus à fait ce geste uniquement en réaction contre la malhonnêteté des marchands et des changeurs ou bien contre leur prolifération abusive qui donnait au Temple l’allure des Galeries Lafayette à Paris.


Mais c’est mal connaître Jésus, lui qui est doux et humble de cœur, c’est mal le connaître que de le croire capable de se mettre si fortement en colère pour de telles raisons qui, sommes toutes, restaient limitées à l’entrée du Temple et plus ou moins acceptées par les pèlerins qui, du reste, n’étaient pas dupes et bien contents de pouvoir faire leurs emplettes au dernier moment.

Et les juifs, témoins de l’événement qui s’était déroulé sous leurs yeux, ont très bien compris que Jésus avait chassé les marchands du Temple pour des motivations plus profondes, plus mystérieuses qu’il n’y paraissait au premier abord, puisqu’ils lui demandent aussitôt, non pas d’expliquer son geste, mais de le justifier.


Dans l’évangile de Marc, Jésus justifie son geste en se référant à l’autorité de la Parole de Dieu, où il est écrit, dans le prophète Isaïe : « Ma Maison sera appelée Maison de prière pour toutes les nations. » Sous entendu : « En encombrant le parvis du Temple, les marchands ne permettent plus aux hommes des autres nations de prier mon Père, comme l’ordonne pourtant la Parole du Seigneur par la voix du prophète Isaïe. »


Jésus rappelle ainsi quelle est la véritable destination du Temple : être, pour tous, un lieu d’adoration et de prière envers le Dieu unique : le Dieu d’Israël. Un lieu d’adoration et de prière pour tous, c’est-à-dire un lieu de prière qui ne soit pas seulement un lieu sacré pour les Juifs mais aussi un lieu sacré pour tous les autres peuples qui, eux, n’étant pas Juifs, n’avaient que le droit de prier sur le seuil du Temple, qu’on appelait alors le parvis des Païens. Or, en s’installant et en encombrant l’entrée du Temple, ce fameux parvis des Païens, les marchands, par conséquent, empêchaient les personnes non juives de participer à la fête de la Pâque. Ils les empêchaient ainsi d’entrer plus avant dans l’intimité de la prière à laquelle Dieu appelle tous les hommes, y compris ceux qui ne sont qu’au seuil de la foi. D’où la réaction plutôt musclée de Jésus. Empocher illégalement quelques pourboires passe encore, mais empêcher les non juifs de trouver Dieu dans la prière, çà, pour Jésus, c’était inacceptable. Inacceptable au point de se mettre en colère.


Toutefois, dans la version de Jean, celle que nous avons entendue aujourd’hui, Jésus se réfère non pas à l’autorité d’un prophète de la Bible, aussi illustre soit-il, mais il se réfère à sa propre parole, dont l’autorité, cependant, ne sera pleinement reconnue que plus tard, dans l’événement de sa résurrection d’entre les morts qui aura alors valeur de signe pour tous les hommes qui cherchent à prier Dieu d’un cœur sincère.


Car le Temple détruit et relevé au bout de trois jours, le Temple auquel Jésus fait mystérieusement allusion devant ses interlocuteurs, c’est, en fait, l’évangéliste saint Jean nous le révèle dès les premières pages de son Évangile, c’est le propre corps de Jésus, son corps de chair, son corps né de la Vierge Marie, dont la résurrection d’entre les morts révèle à tous, qu’en Jésus, habite corporellement la plénitude de la Divinité. C’est donc avec Jésus, en lui et par lui que toute l’humanité peut désormais trouver, prier et adorer le Seigneur.


La leçon que nous pouvons retenir de cet évangile, de cet épisode de la vie du Christ où Jésus chasse les marchands du Temple, consiste donc, tout simplement, à nous rappeler que Dieu, en Jésus, appelle tous les hommes à le rencontrer personnellement dans la prière et l’adoration.

Tous les hommes, c’est-à-dire y compris tous ceux qui ne sont qu’au seuil de la foi, au seuil de l’Église. Soyons donc, personnellement, nous qui sommes peut-être plus avancés qu’eux sur le chemin de la foi, soyons donc attentifs à leur laisser de la place. Mieux : à leur faire de la place.


AMEN.

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